Les diverses tentatives de résolution de
l'équation de degré sont
infructueuses, de même que les essais de démonstration
de la conjecture de Girard, selon laquelle toute équation
algébrique de degré
admet
exactement
racines complexes distinctes ou
confondues. Étrangement, le rigoureux Descartes semble avoir
considéré ce résultat comme
évident.
En tous les cas, l'algèbre pure fait peu de
progrès jusqu'à la seconde moitié du
siècle. Il y a cependant des
recherches liées à l'analyse, sur l'approximation des
racines par exemple (recherches de Rolle, de Newton). Le tournant
se situe néanmoins aux environs de 1770, lorsque Lagrange et
Vandermonde entament des recherches sur la Théorie des
Substitutions.
Lagrange saisit, en particulier, l'importance de la notion de
permutations sur la famille des racines d'une équation
algébrique, et développe avec Waring l'idée
selon laquelle, si la conjecture de Girard est vraie, alors les
coefficients d'une équation algébrique sont au signe
près les fonctions symétriques
élémentaires des racines (Viète, puis Girard
avaient remarqué ce résultat longtemps auparavant,
dans quelques cas particuliers). Ce résultat lui permet de
présenter une méthode élégante de
résolution des équations de degré et
. Vandermonde étudie les
fonctions invariantes par permutations circulaires, et en
déduit les solutions par radicaux de certaines
équations particulières (au groupe de Galois
cyclique) telles que
.
Une nouvelle étape est franchie avec la première démonstration rigoureuse de la conjecture de Girard, publiée par Gauss en 1799. D'Alembert s'y était essayé avant lui, mais sa démonstration était incomplète. Gauss perçoit par ailleurs l'importance du groupement des opérations (selon l'expression de Galois) et dans ses recherches sur les formes quadratiques et sur l'arithmétique modulaire se dégagent déjà les concepts qui fondent l'algèbre moderne. Il développe de plus les idées de Vandermonde, et montre que le polygône à dix-sept côtés est constructible à la règle et au compas.
Ruffini, appliqué à l'étude de la
théorie des substitutions, effectue des recherches sur les
valeurs prises par une fonction de cinq variables par toutes les
permutations de ces variables. Il parvient à des
résultats, généralisés par Cauchy, qui
l'amènent à conclure, en 1813, à
l'impossibilité de résoudre l'équation de
degré par radicaux.
Ses arguments ne suffisent pas pour une démonstration
rigoureuse, cependant Abel apporte des arguments plus probants sur
ce point, et parvient, aux alentours de 1826, à
l'impossibilité de la résolution par radicaux de
l'équation générale de degré premier
supérieur ou égal à .
Cependant, son raisonnement présente des difficultés, et il maîtrise mal ses méthodes, qui ne se formalisent correctement que dans le cadre de la théorie des corps (laquelle n'émerge que bien plus tard). Galois est le premier à adopter une méthode complètement générale, en introduisant la notion de groupe d'une équation (l'ensemble des permutations2.1des racines conservant les relations algébriques entre celles-ci).
Dans des mémoires successifs rédigés à partir de 1830, il dégage le critère général de résolubilité par radicaux d'une équation algébrique. Ainsi Galois clôt-il définitivement la question essentielle de l'algèbre classique, tout en posant, plus encore que Gauss, les jalons de l'algèbre moderne.